Cruelle, universelle, invisible : la silice. La déconstruction de l’opacité comme levier heuristique
Paul-André Rosental est professeur à Sciences Po et chercheur associé à l’Ined. Il a créé et codirige l’équipe Esopp du Centre de Recherches Historiques, consacrée à l’histoire sociale et politique des populations. Ses derniers ouvrages sont : L’intelligence démographique. Sciences et politiques des populations en France (1930-1960), Paris, Odile Jacob, 2003, et La Santé au travail (1880-2006), La Découverte, coll. Repères, 2006 (en collab.). Paul-André Rosental a dirigé ces dernières années les numéros « Eugenics after 1945 », Journal of Modern European History, 10, 4, 2012 (avec Regula Argast) ; et « Health and Safety at Work. A Transnational History », Journal of Modern European History, 7, 2, 2009.
La page personnelle de Paul-André Rosental est ici.
Suggestions de lecture des organisateurs
On pourra consulter avec profit la riche recension de Golden Holocaust, de Robert Proctor, par Paul-André Rosental dans La Vie des idées (Paul-André Rosental, « Les guerres du poumon. La cigarette ou l’ignorance distribuée », La Vie des idées, 30 janvier 2013. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Les-guerres-du-poumon.html).
En particulier, le lien entre l’objet du livre de Proctor, les stratégies de l’industrie du tabac et l’idée d’ignorance distribuée sont en lien direct avec l’objet du séminaire:
Alors que la représentation commune de la science est celle d’un savoir en expansion, d’une progression continue de l’état des connaissances, Proctor met l’accent sur la capacité de l’industrie cigarettière à en brouiller les termes, aussi bien pour apaiser les inquiétudes de ses clients que pour fournir des arguments à ses avocats. Parmi les propositions qu’il avance pour penser cette dynamique figurent l’abandon de la notion de standard of care au profit de celle de common ignorance, et la promotion de l’expression d’« état de la tromperie » (state of the deception) aux dépens de celle d’« état de l’art », qu’affectionnent les avocats des compagnies. Comme dans le concept de « connaissance distribuée » proposé par Edwin Hutchins, divers acteurs (et, ici, pas nécessairement à des moments historiques concordants) détiennent des informations susceptibles d’éclairer au moins l’un des aspects de la dangerosité de la cigarette. Mais, à l’inverse de ce qui se passe dans un cockpit, où la « distribution » des connaissances entre les parties prenantes fait l’objet d’une synthèse par les interactions entre tous, nous sommes plutôt dans une logique d’ignorance distribuée. L’auteur qualifie d’« agnotologie » l’art de l’industrie du tabac d’empêcher délibérément cette cohésion. (P. A. Rosental, op. cit., consulté le 14 mars 2013)
Sur le thème de la silice, de la silicose et de son « invisibilisation » statistique, voir en particulier:
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« Silice, silicose et santé au travail dans le monde globalisé du XXIe siècle », in Catherine Courtet et Michel Gollac (eds), Risques du travail : la santé négociée, idem, p. 83-101 (avec Francesco Carnevale et Bernard Thomann).
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« De la silicose et des ambiguïtés de la notion de ‘maladie professionnelle’ », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56, 1, 2009, p. 83-98.
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« La silicose comme maladie professionnelle transnationale », Revue française des Affaires sociales, 2-3, 2008, p. 255-277.
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« statistique et mort industrielle : la fabrication du nombre de victimes de la silicose dans les houillères en France de 1946 à nos jours », Vingtième siècle, 95, 3, 2007, p. 75-91 (avec Jean-Claude Devinck).
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« Avant l’amiante, la silicose : mourir de maladie professionnelle dans la France du XXe siècle »,Population et sociétés, 437, 9, 2007.